La dynamique de prise de conscience en l’urgence de la question environnementale a soulevé de nombreuses problématiques sous-jacentes mais tout aussi capitales. Aujourd’hui, c’est le gaspillage alimentaire qui est incriminé par la société civile. En cause, les fameuses dates de péremption mises en place par les fabricants. Décryptage d’une législation… nébuleuse.
Une problématique nationale
Les chiffres présentés par les dernières études sont alarmants, voire dramatiques : chaque français jetterait en moyenne entre 20 et 30 kg de nourriture par an, soit 400 euros pour une famille de 4 personnes. Selon l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME), 7 kg de ces déchets seraient encore emballés, et auraient pu être consommés sans présenter de risque pour la santé. Cette étude fait en tout cas réagir, jusqu’au gouvernement qui lance depuis quelques années des campagnes sur un sujet devenu un fer de lance des campagnes électorales, avec des objectifs à atteindre à l’horizon 2025. Une journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire a d’ailleurs été mise en place depuis trois ans, le 16 octobre, réunissant tous les acteurs de la chaîne alimentaire, professionnels ou particuliers, fédérés autour d’un même dessein.
DLC, DDM : comment y voir plus clair ?
C’est une habitude que chacun opère au moment de faire ses courses : vérifier sur le produit la date de péremption. Toutefois, en y regardant de plus près, force est de constater qu’il y a deux marquages différents : « A consommer jusqu’au … » et « A consommer de préférence avant le… ».
Et la prise en compte de cette information va avoir une influence sur la consommation de ce produit.
Voyons d’un peu plus près la différence entre DLC (Date Limite de Consommation) et DDM (Date de Durabilité Minimale).
La première est réservée aux produits dits fragiles, pour lesquels la commercialisation et la consommation ne doivent pas dépasser la date indiquée, sous peine de danger pour la santé (intoxication alimentaire). Cela concerne notamment la viande, le poisson, les produits laitiers ainsi que les fruits et légumes coupés. Notons toutefois une petite particularité pour les yaourts (hors desserts crémeux), qui peuvent être consommés jusqu’à deux semaines après la date de péremption, s’ils restent au frais.
La Date de Durabilité Minimale (DDM), anciennement appelée DLUO, ne présente pas de risque sanitaire proprement dit. La date est essentiellement indiquée pour garantir une bonne qualité gustative, ainsi qu’un visuel agréable. Vous pourrez ainsi consommer des biscuits, friandises ou sauces jusqu’à deux mois après la DDM, voire même jusqu’à un an pour les pâtes, riz ou conserves ! Naturellement, il s’agira tout de même de rester vigilant quant à l’aspect, la couleur et l’odeur d’un produit, même si l’échéance de la péremption n’est pas encore atteinte.
Aujourd’hui, le constat est sans appel : des produits encore consommables se retrouvent à la poubelle, à cause notamment de la confusion entre la date de durabilité minimale et la date limite de consommation.
Quelques conseils de bon sens
Plusieurs solutions sont présentées pour endiguer ce fléau. Si elles font généralement l’unanimité, c’est le manque de sensibilisation qui pose problème. L’industrie des applications mobiles a montré un intérêt certain pour ce phénomène. Par exemple, Checkfood vous permet de recevoir des notifications lorsque les produits préalablement scannés arrivent à la date limite de consommation. Une jeune anglaise a même inventé une solution pour tester la fraîcheur des produits grâce à un autocollant à base de gélatine (Bump Mark) ! Sans aller jusque-là, quelques règles de bon sens peuvent s’appliquer pour limiter la portée du gaspillage : avant d’aller en courses, dressez une liste de ce dont vous avez besoin, et surtout n’y allez pas le ventre vide ! Pensez à bien distinguer la DLC de la DDM au moment de l’achat, mais également lors du rangement dans le frigo ou placard. Placez les produits par ordre croissant de DLC, en gardant sous la main ceux dont la durée est la plus courte. Il est important aussi de bien respecter la chaîne du froid afin de garantir la fraîcheur du produit, et allonger ainsi sa durée de consommation.
Les dates de consommation : raison sanitaire ou marketing ?
En 2014, l’association UFC Que choisir a réalisé un test labo exclusif sur 10 produits comportant une DLC. Si pour certains produits, comme le jambon ou le poulet, la qualité a vite été altérée après la date indiquée, un tiers des aliments testés ne présentaient aucun risque sanitaire après un dépassement pourtant considérable de la date (plusieurs semaines). Se pose alors la question de la véritable vocation de la DLC, définie par le fabricant lui-même : «L’étiquetage comporte l’inscription, sous la responsabilité du conditionneur, d’une date jusqu’à laquelle la denrée conserve ses propriétés spécifiques dans des conditions de conservation appropriées.» (Code de la Consommation).
Une autre incohérence a été soulevée en 2013 par le Ministre des Outre-Mer Vincent Lurel. La durée de consommation des produits est plus longue dans les DOM TOM qu’en Métropole : par exemple, un yaourt aura une DLC de 30 jours dans l’Hexagone contre 55 outre-mer, le gruyère râpé 40 jours contre… 180 ! Il est vrai qu’une durée de consommation plus courte permet un renouvellement des produits et un achalandage plus important, plutôt bénéfiques pour les industriels… Une piste que de nombreux professionnels de la protection du consommateur creuse actuellement.
Bien évidemment, les dates de consommation restent un indicateur de qualité nécessaire, il n’est pas question de remettre en cause leur utilité. Cependant, il s’agira d’œuvrer pour plus de transparence non seulement pour protéger le consommateur, mais aussi la planète. De votre côté, soyez exigeants avec les DLC, mais plus souples avec les DDM.
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